Taxe numérique : on décrypte pour vous le contenu de la loi

En mars dernier, le gouvernement français a présenté un projet de loi appelé « taxe sur le numérique ». Actuellement examiné par l’Assemblée Nationale (en procédure accélérée), son objectif est d’adapter notre système fiscal aux nouveaux géants du web. Et notamment à la valeur qui est créée gratuitement par leurs utilisateurs. Les multinationales dont l’activité dépend en grande partie du numérique, et de se données, échappent en effet en grande partie à la fiscalité des pays dans lesquels cette activité s’applique pour se localiser dans des états plus cléments fiscalement parlant.

C’est sur la base de cette forme d’évasion fiscale que le gouvernement a justifié son projet. Concrètement, il va s’agir d’une ponction auprès des grands groupes du numériques, notamment par certains états européens dont la France, le Royaume-Unis, l’Autriche ou encore l’Espagne. Afin de compenser leur absence physique sur ces territoires, la taxe numérique va permettre de cibler les entreprises dont le business model dépend de l’activité de leurs utilisateurs. Décryptage dans la suite de cet article.

Quelles sont les activités ciblées par la taxe numérique ?

L’article 1 du projet de loi, qui est central, instaure une taxe numérique spécifiquement sur certains services qui sont proposés par les grandes entreprises du secteur. Sont donc uniquement concernées les prestations de service, et non la vente de bien. Ce sont précisément deux services qui sont ciblés, à savoir le marketing en ligne (la publicité), et l’intermédiation.

 Les GAFA taxés par le gouvernement français

Lorsque l’on parle d’intermédiation, on évoque en réalité le cœur de métier de plateforme comme Facebook, par exemple. Puisqu’il s’agit de proposer une plateforme numérique sur laquelle différents utilisateurs peuvent entrer en contact et interagir. Mais cela comprend aussi les relations B2B.

Les services proposés aux annonceurs (notamment pour cibler spécifiquement les profils qui répondront le mieux à leurs messages publicitaires) sont également dans le viseur de la taxe numérique. L’achat, le stockage et la diffusion de publicités (pour Facebook par exemple), mais aussi les comparateurs de mots clés (pour Google) seront donc désormais taxés.

Quid de la territorialité ?

C’est certainement la question la plus sensible de ce projet de loi. En effet, le but de la taxe numérique n’étant pas de taxer l’ensemble des activités en ligne, mais plutôt de cibler les services qui sont fournis en France, il va falloir pour les législateurs français parvenir à identifier de manière très précise les internautes qui sont localisés en France.

Cela se fera notamment via l’adresse IP, mais aussi sur les données personnelles partagées par les utilisateurs sur leur compte. En l’occurrence, on parle bien de présence physique, et non de nationalité, qui n’a aucune pertinence sur ce point.

Les différents seuils de déclenchement

L’autre particularité de la taxe numérique est que toutes les activités rattachées au sol français ne seront pas nécessairement pris en compte. Le but de cette loi est en effet de viser uniquement les plus gros groupes, qui profitent presque de monopoles et d’avantages concurrentiels importants. La taxe permettrait donc de rétablir une forme de justice, puisqu’elle considére que ces avantages sont de fait une atteinte au principe d’égalité.

De ce fait, le texte prévoit deux seuils de déclenchement de l’imposition, notamment pour éviter de fragiliser les petits acteurs en taxant directement leur chiffre d’affaire, en particulier quand le secteur en question à des coûts fixes importants. Le premier seuil est de 750 millions de CA au niveau mondial (apprécié au niveau du groupe), le second de 25 millions de chiffre d’affaires engendré en France.

Comment Bercy va faire la différence entre la part française, et la part mondiale ?

Pour Bercy, cela va donc représenter une véritable gesticulation mentale pour déterminer la part française et la part mondiale pour chaque groupe numérique concernée. Ce calcul se fera vraisemblablement sur la base imposable, et les revenus mondiaux générés par chacun des services concernés seront taxé à proportion de la part d’utilisateurs français.

Il va donc falloir pour les autorités fiscales commencer par déterminer la base des utilisateurs français par rapport à la totalité des utilisateurs d’un service, et appliquer ce ratio à l’ensemble des encaissement. Elles pourront également exiger des entreprises qu’elles justifient tous ces éléments (puisqu’il s’agira de fait d’un régime déclaratif). Si elles refusent de répondre ou ne le font pas dans les temps impartis, une taxation d’office sera appliquée.

Qui sera redevable ?

On parle depuis le début de cet article de grands groupes, mais qui sont en réalité les redevables de la taxe numérique. Le texte de loi désigne très précisément la personne qui va encaisser ces sommes. Et donc les prestataires qui commercialisent la vente de données auprès des annonceurs. Ou bien celles qui les mendatent et facilitent l’achat d’espaces publicitaires.

Qu'est-ce que la taxe sur le numérique ?

L’assiette représentera le chiffre d’affaires encaissés (sans TVA), avec un taux de 3 % comme spécifié dans le régime déclaratif. La taxe aurait ainsi un rendement de 400 millions (et non 500 comme l’avait annoncé Bruno Lemaire) dès 2019. dans 3 ans, il s’éleverait à plus de 650 millions d’euros.

Quelles sont les entreprises concernées par la taxe numérique ?

Bruno Lemaire, ministre de l’économie a annoncé qu’une trentaine d’entreprises seraient concernées par la taxe Numérique. Et le cabinet Taj a par la suite mené une enquête pour estimer de quels grands groupes numériques il s’agirait. Au total, 29 entreprises ont été pointées du doigt comme susceptibles d’être concernées par cette nouvelle mesure (si elle est adoptée). On peut les répartir schématiquement en 3 groupes : le marché des biens (qui comprend 10 entreprises), celui des services (11 entreprises) et le marketing numérique (8 entreprises.

Pour le marché des biens :

  • Alibaba ;
  • Amazon ;
  • Ebay ;
  • Apple ;
  • Google ;
  • Wish ;
  • Zalando ;
  • Groupon ;

Pour le marché des services :

  • Amadeus ;
  • Airbnb ;
  • Match ;
  • Expedia ;
  • Recruit ;
  • Uber,
  • Book ;
  • Randstad ;

Pour la publicité en ligne :

  • Amazon ;
  • Ebay ;
  • Facebook ;
  • Google ;
  • Twitter ;
  • Microsoft.

On attend donc le résultat des débats à l’Assemblée Nationale, qui pourrait retoquer le projet de loi et retarder son adoption.